Après recherche, je n'ai pas trouvé de sujet sur ce RPG fabuleux qu'est Earthbound (ou Mother 2).
Ce jeu étant assez méconnu par chez nous (et en plus à un prix inabordable, genre 200 euros!!!), je le présente en quelques mots sur les paragraphes suivants, parce que pour moi il se place direct parmi les meilleurs RPG de la Snes (aux côtés de Final Fantasy VI ou de Chrono Trigger, et même de Live A Live).
L'écran-titre avec quelques de notes de musique apocalyptique montrant un futur possible si Ness échoue dans sa quête.
En gros, ce jeu se passe à l'époque contemporaine (dans une version un peu décalée), exactement en "199X" (sic). Le héros qu'on dirige est un petit garçon appelé Ness (anagramme de Snes d'ailleurs) portant une casquette rouge, souvent armé d'une batte de base-ball et ayant des pouvoirs PSI. Le jeu commence par la chute d'une météorite sur une colline à côté de sa maison de la ville d'Onett. Sur le chemin, il rencontre une mouche du futur qui est venue à son époque le prévenir de la destruction de leur monde par une entité extraterrestre appelée Giygas, avec une prophétie qui dit qu'un groupe de quatre enfants mené par Ness peut vaincre Giygas. En chemin, il devra se rendre à huit endroits de la Terre, pour enregistrer huit mélodies, dans le but de faire communion à la fois avec la Terre et aussi avec lui-même et son subconscient.
La météorite au début du jeu
L'originalité de ce jeu, c'est vraiment l'univers contemporain, chose très rare dans un RPG. Le jeu se distingue aussi par son humour jubilatoire, mais également par une écriture très fine et subtile (le créateur du jeu, Shigesato Itoi, est à la base un écrivain et essayiste qui n'a rien à voir avec le jeu vidéo, apparemment il aurait écrit lui-même tous les textes du jeu), donnant finalement une certaine profondeur au jeu qui ne se contente pas de n'être que drôle. Il dépeint ainsi notre propre société de manière caricaturale, le jeu est imprégné de culture populaire, et le jeu s'amuse aussi à nous interroger sur le média et le RPG en particulier, à tourner en dérision les codes du RPG et de game-design, ce qui en fait un jeu super avant-gardiste par rapport aux jeux de son temps (et même aujourd'hui d'ailleurs).
Ness entouré d'une armée de membres d'une secte (les "Happy Happyists").
Originalité oblige encore une fois: la patte graphique singulière, qui a fait couler de l'encre, complètement éloignée des RPG standards comme ceux de Square ou d'Enix, avec ce design épuré et un peu "BD". Pour ma part, j'aime beaucoup.
La bande-son également ne ressemble à absolument rien de connu dans un RPG: on n'a quasiment aucun thème "classique" qu'on trouve habituellement dans les RPG (du style les mélodies mélancoliques ou "épiques"). Ici, on a essentiellement des compositions osées, souvent composées de bruitages bizarroïdes qui donnent à certains lieux une ambiance particulière, parfois malsaine et pesante pour certains endroits, ou bien une ambiance complètement décalée. On trouve des mélodies un peu expérimentales, allant un peu vers l'électro abstrait, et on a aussi du rock. D'ailleurs on sent le gros fan de musique rock ou blues là-dedans, avec parfois des notes provenant des Beatles ou d'autres compositeurs ou groupes, un combat avec une musique reprise de Chuck Berry, le groupe des Runaway Five dont on assiste à des concerts, tout ça. Dans un autre message je pense, je montrerai peut-être une ou deux musiques pour que vous ayez une petite idée du délire.
Les Runaway Five
Sinon, le système de jeu est vraiment basé sur Dragon Quest (l'interface, les combats, la sauvegarde non pas chez le prêtre mais en téléphonant à son père), avec une petite originalité: les points de vie après une attaque ne diminuent pas d'un coup, mais progressivement, laissant au joueur éventuellement le temps de se soigner pour remonter le compteur de vie avant qu'il atteigne zéro, ou de vaincre l'ennemi pour stopper la baisse de points de vie avant le zéro.
Le jeu nous dit si tel personnage reçoit des dommages mortels: à ce moment-là, coup de flippe du joueur qui se met à agir super vite et faire un peu n'importe quoi sous le coup de l'adrénaline, quitte à balancer vite fait les actions des persos qui ne servent à rien jusqu'à arriver sur le perso qui peut soit soigner le perso en train de mourir, soit tuer l'ennemi par une attaque surpuissante. Cependant, le compteur diminue assez vite, donc cette tactique ne s'emploie uniquement que lorsqu'on est à partir de la moitié du jeu, quand on commence à avoir plusieurs centaines de points de vie pour avoir le temps de réagir: ce sera corrigé dans Mother 3 qui diminuera la vitesse de diminution du compteur de vie.
Autrement, les autres persos ont quelques compétences spéciales (Paula qui peut faire des prières pour avoir des effets aléatoires, Jeff qui peut utiliser des machines, et Poo qui peut imiter un ennemi). Les ennemis sont visibles à l'écran, on peut même avoir l'initiative en les touchant par le côté ou derrière, ou au contraire c'est eux qui l'ont s'ils nous touchent par derrière ou de côté. Mieux encore: si notre niveau est trop élevé pour un ennemi, ça déclenche une victoire instantanée (en gagnant des points d'xp voire des objets) sans déclencher le combat!
Sinon, époque moderne oblige: les ennemis ne nous donnent pas directement de l'argent, mais c'est le père du héros qui vire de l'argent sur notre compte, et on peut retirer ou déposer de l'argent grâce aux distributeurs avec notre carte bancaire (et une mort nous fait perdre uniquement la moitié de l'argent qu'on a sur soi sans nous faire perdre les objets ou l'expérience gagnée et sans nous faire perdre l'argent qui est à la banque).
Le genre d'ennemis bizarres (et ce ne sont pas les plus bizarres) qu'on peut affronter dans ce jeu).
Ah, dernière chose: le titre du jeu, et sa place dans la série. En US, le jeu s'appelle Earthbound (littéralement "lié à la Terre"), et en japonais Mother 2. C'est la suite du premier Mother (il y a des références, on apprend des choses entre autres sur le passé et les motivations de Giygas qui s'appelait Gigue dans le premier jeu et était aussi l'ennemi à vaincre du jeu) sorti uniquement au Japon sur NES/Famicom, annulé au dernier moment aux USA (la traduction avait été faite officiellement, puis une rom traduite a été retrouvée et maintenant on peut y jouer en anglais via l'émulation). Le premier Mother ressemblait beaucoup au 2, avec quand même pas mal de différences que je ne détaillerai pas ici (je pense que je ferai un topic à part, ou bien j'utiliserai un autre message sur ce topic pour parler de ce premier volet que j'ai fait aussi entièrement).
Alors, pourquoi le titre Mother? Et bien pour deux choses. Déjà, la mère, la figure maternelle, tient une place fondamentale dans le scénario des trois jeux de la série. Dans Earthbound, le héros Ness peut même souffrir d'une altération d'état "homesick" s'il n'a pas vu ou pas téléphoné à sa mère depuis longtemps, impliquant des conséquences en combat où Ness peut subitement perdre un tour à penser à sa mère. Ensuite, la deuxième signification du mot "Mother", c'est lié justement à la Terre, qui est assimilée à une mère pour nous tous. Les trois jeux de la série jouent vraiment sur cette double signification du mot Mother, et d'ailleurs souvent dans le titre la lettre "O" est remplacée par notre planète Terre.
Onett, la première ville du jeu ("One").
Voilà pour la "petite" présentation. Là, j'en viens à mon ressenti en tant que joueur en parlant de ma progression car il m'a pris l'envie de rejouer à Earthbound (je l'avais fini il y a 4 ans environ): putain, je me régale à nouveau!!! Il était tellement avant-gardiste et en avance sur son temps que ce n'en est même pas drôle pour les autres RPG! Cet univers unique, qui reprend notre monde des années 80-90, de manière décalée, imprégné de culture populaire voire underground (les punks, salles d'arcade, hippies, sectes sataniques, zombies, extraterrestres et OVNIS/soucoupes volantes, créatures bizarres...), ou bien des trucs inattendus comme tout un passage faisant référence au surréalisme (peinture, écriture automatique...).
Les moments cultes se succèdent aux moments cultes, il n'y a que ça, on a l'impression que ça ne s'arrête jamais! La patte graphique est superbe, la bande-son également qui est très spéciale (on n'entend pas ça dans d'autres RPG) mais fabuleuse (mais c'est un parti-pris très spécial, on peut ne pas aimer). Les combats aussi sont très agréables, fonctionnels, inspirés de Dragon Quest. En y rejouant, des souvenirs oubliés ressurgissent, j'avais par exemple été épaté par la "scène du café" où on lit un texte philosophique relatant le chemin parcouru par Ness avec une musique planante sur fond psychédélique.
Et puis il y a de ces idées incroyables, on franchit régulièrement le "quatrième mur" et la mise en abyme du RPG. Un truc tout con que j'avais oublié: il y a une altération d'état appelée "mushroom", où on se trimballe un champignon au-dessus de la tête qui nous fait régulièrement inverser les commandes de la croix directionnelles, et bien pour s'en débarrasser on parle à un guérisseur qui, contre tout attente, nous dit "tiens, vous ne voulez pas me vendre ce champignon sur votre tête": Earthbound, le seul RPG au monde où on peut gagner de l'argent pour guérir d'une altération d'état, c'est fabuleux!
Là, j'ai fini la ville de Fourside où il s'est passé un truc de dingue, et je sais que des trucs absolument énormes m'attendent encore après, ça ne s'arrête jamais encore une fois! Le jeu est à la fois décalé, drôle, étrange, parfois dérangeant, et dégage également une certaine émotion touchante par moments, c'est fort. En fait, je me demande si ce n'est pas lui, mon RPG préféré de la SNES.
